lundi 11 mai 2009

Instabilité

“La vie n’est qu’un rêve…” me disait souvent Madame Sirakian, voyante extra lucide. La question que je ne lui posais pas alors – étant trop intéressé par mon avenir – aurait dû être : “Oui, mais le rêve de qui ?” Ce qui, je crois, se trouve dans une réplique d’un film de Cronenberg, avec Naomi Watts ; à moins que cela ne soit Nicolas Cage, ailleurs !… Quoi qu’il en soit, Hamlet avait déjà l’intuition que les rêves n’étaient pas des œuvres très individuelles ; ni particulièrement charitables.
Moi, ce qui m’inquiète c’est le destin qui m’attend une fois franchi ce pas où, apparemment, on devient si indifférent à tout ici-bas que l’on se laisse même bouffer par les asticots. (Pour autant qu’ils veuillent de nous. Car, toujours, si l’on en croit Shakespeare, certains vers se feraient une spécialité de faire des festins de roi ; ce que je ne peux leur offrir, étant donné la modestie de ma condition sociale.)
Ce qui me préoccupe donc, c’est qu’à regarder le parcours qui m’a mené de mes premiers vagissements à cette espèce de total étonnement qui caractérise la vision que j’ai de ma vie… Ce qui me préoccupe, c’est de savoir si je vais pouvoir tenir dans une seule position et dans une seule résidence pour un temps dont on nous dit qu’il risque d’être terriblement long.
Je ne vois, en effet, aucune cohérence dans ma vie qui pourrait décrire mes activités comme stables. J’ai plutôt l’impression d’avoir été une espèce de fret, chahuté d’un bord à l’autre d’un de ces grands bateaux à aubes que l’on voyait jadis sur le Léman, et qui allaient de port en ports, sans jamais y faire escale.
Ce qui veut dire qu’il faudrait que je trouve une raison de vivre, pour mourir en paix. En effet, comment terminer convenablement une chose que l’on a à peine commencée ?
En effet, une fois là-bas, malgré mon caractère casanier, dois cesser mes tergiversations du passé pour trouver cercueil à mon pied. Faute de quoi, je risque d’être condamné à une espèce de perpétuel saute tombeau. Le problème c’est qu’il ne reste plus beaucoup de tombes auxquelles je pourrais rendre visite. (Même celle de Denis, à Concise, et qui aurait mon âge - eût-il survécu à sa maladie - va disparaître, si ce n’est déjà fait…) C’est que, comme dirait Monsieur de la Palisse, plus on est à vivre sur terre, plus il y en a qui meurent !
Je ne vois qu’une issue à ce problème à la fois existentiel et démographique : C’est, juste avant de m’immobiliser dans cet ailleurs aux capacités d’accueil relatives, faire quelque action d’éclat qui me permette de reposer sur mes lauriers ; être amoureux, peut-être ?…

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